Publié le 4 mars 2019 | Mis à jour le 12 juillet 2019

Isabelle Guérin-Lassous, Informaticienne, Fondation Blaise Pascal

PORTRAIT

Professeure en informatique à l’Université Claude Bernard Lyon 1 et au Laboratoire de l’Informatique du Parallélisme
Déléguée générale de la Fondation Blaise Pascal
Membre de la commission formation du Labex MILYON de 2012 à 2015, puis de la commission recherche de 2015 à fin 2018.

Quel est votre Parcours ?

J’ai suivi une classe préparatoire scientifique, puis j’ai intégré l’ENSI Caen. Dans cette école, je me suis spécialisée en informatique et ai obtenu, en parallèle, un DEA en informatique. J’ai passé et réussi le second concours de l’ENS Cachan en 1995 pour le département informatique. J’ai ensuite fait une thèse à l’Université Paris 7, au sein du laboratoire LIAFA, sur l’analyse expérimentale des algorithmes parallèles de traitement de graphes. Je l’ai soutenue en janvier 1999. C’était une thèse à mi-chemin entre l’algorithmique et la programmation parallèle. Son but était d’identifier les « bons » modèles de parallélisme capables de prédire, théoriquement, les performances obtenues par les algorithmes implantés sur des machines parallèles réelles.

Après un premier congé maternité, j’ai été post-doctorante à l‘INRIA Rocquencourt en 1999. Mes travaux portaient alors sur des problèmes d’algorithmique des télécommunications et sur les réseaux sans fil comme le WiFi.

En 2000, j’ai obtenu un poste de chargée de recherche à l’INRIA Grenoble. Puis j’ai changé d’équipe en janvier 2002 pour intégrer une nouvelle équipe INRIA créée au laboratoire CITI.

En 2005, j’ai obtenu une HDR (habilitation à diriger des recherches) et j’occupe, depuis septembre 2006, un poste de professeure à l’Université Claude Bernard Lyon 1. Je poursuis mes travaux de recherche au sein du LIP.

Quels sont vos domaines de recherche et leurs applications ?

Après ma thèse, j’ai commencé à m’intéresser aux réseaux de télécommunication sous l’angle de l’algorithmique. Ensuite, j’ai abordé les problèmes sous un angle plus « réseau ». J’ai alors fait appel à des connaissances technologiques, protocolaires, algorithmiques, d’évaluation de performances et d’optimisation.

Avec un doctorant, nous avons mis en évidence des problèmes de performances de la technologie WiFi lorsque cette dernière était utilisée dans des réseaux multi-sauts (sans infrastructure). À partir de là, j’ai beaucoup travaillé (et je continue) sur la compréhension et l’amélioration des réseaux WiFi.

Les applications de ces travaux sont, par exemple, une aide au déplacement dans le secteur de la sécurité routière en prévenant plus rapidement des risques de bouchon ou encore de verglas. Ces travaux peuvent aussi aider à réduire les délais d’acheminement dans les réseaux mobiles types 4G ou 5G, par exemple, en déchargeant les réseaux 4G existants au profit de communications passant par des réseaux locaux comme le WiFi afin que les données arrivent plus rapidement vers les utilisateurs.

Que préférez-vous dans votre travail ?

Ce que j’apprécie dans mon travail, c’est le fait de faire des allers-retours constants entre la théorie et la pratique. Il faut bien comprendre les technologies (existantes ou à venir ou à proposer) pour les modéliser et les analyser. Cette analyse permet ensuite de comprendre où se trouvent les points à améliorer. Une fois les solutions d’amélioration proposées, on les injecte dans de vrais réseaux via des expérimentations pour déterminer leurs performances. L’analyse de ces performances nous oblige parfois à revenir à nos modèles initiaux afin de les affiner, ainsi qu’à l’amélioration des solutions proposées.

Que vous apporte le Labex MILYON ?

Tout d’abord, le Labex est une source de financement. J’en ai bénéficié lors d’un complément de thèse pour un doctorant vietnamien que je co-encadrais avec un collègue travaillant à Hanoï. Cette collaboration a mené à deux publications dans une conférence de haut niveau. Aujourd’hui, ce doctorant est maître de conférences à l’Université nationale du Vietnam de Hanoï.
Il est toujours intéressant de confronter les approches. Cela permet de porter un autre regard sur son travail et sa manière de travailler.
Cela m’a aussi permis de connaître des collègues mathématiciens que je fréquentais peu avant le Labex. Les rencontrer et discuter avec eux m’a permis de découvrir leurs centres d’intérêts, leurs méthodes de travail ainsi que leur façon de travailler avec les doctorants. Il est toujours intéressant de confronter les approches. Cela permet de porter un autre regard sur son travail et sa manière de travailler.

Parlez-nous de la fondation Blaise Pascal

La fondation Blaise Pascal a été créée il y un an. Le CNRS et l’Université de Lyon en sont les fondateurs. J’ai suivi le projet, porté par Petru Mironescu, à partir de septembre 2016, avec Stéphane Gaussent (Professeur en mathématiques à l’Université Jean Monnet de Saint-Étienne et actuel président du conseil scientifique de la fondation).

Les objectifs de la fondation sont de promouvoir, soutenir, développer et pérenniser les actions de médiation en informatique et en mathématiques sur le territoire national et à destination de tout citoyen, ainsi que de fédérer et structurer un réseau d’acteurs engagés dans ces domaines.

La fondation organise deux appels à projets par an et subventionne ainsi différentes actions de médiation au niveau national. La fondation travaille aussi à des actions propres comme la réflexion autour d’un « serious game » en mathématiques pour collégiens et lycéens accompagné d’un forum de discussions. Elle vise aussi à renforcer le développement de clubs et d’écoles d’été en mathématiques et informatique pour rendre leur maillage plus important sur le territoire, via, entre autres, un soutien financier, mais aussi une mutualisation de ressources, de moyens et un partage des pratiques.

Pour mener ces différents projets, la fondation travaille à la collecte de fonds privés via une politique de mécénat auprès des entreprises, ainsi qu’à la collecte de fonds publics.

Mes missions en tant que déléguée générale sont de s’assurer du bon fonctionnement quotidien de la fondation, de faire le lien entre la fondation et les acteurs de la médiation en mathématiques et informatique, ainsi que de représenter la fondation à l’extérieur.

Quel lien entretient la fondation avec la Maison des mathématiques et de l’informatique (MMI) ?

La fondation a soutenu financièrement la Maison des mathématiques et de l’informatique dans le développement de ses actions via les appels à projets qui ont été organisés. Outre ce soutien financier, la MMI et la fondation travaillent en collaboration pour faire remonter des informations sur les actions de terrain, sur les problèmes rencontrés, sur les sujets à développer et ainsi faire apparaître des pistes de travail. La fondation permet également de mettre en réseau les différents acteurs sur le territoire national, comme la MMI, afin qu’ils puissent travailler en co-construction pour démultiplier les impacts des actions de médiation.

Pour finir, si vous devez vous adressez aux entreprises, pourquoi est-il important qu’elles soutiennent ses actions de médiation ?

L’une des premières causes est celle de l’emploi et des besoins futurs. Beaucoup d’emplois sont et seront développés dans le numérique. Aussi, maîtriser les enjeux et les changements du numérique devient primordial.  Les entreprises recherchent des profils bien formés en informatique, mais qui sont aussi capables d’innover et d’anticiper les évolutions scientifiques et technologiques. Pourtant, nous ne formons pas assez d’informaticiens avec un background scientifique solide, notamment en mathématiques. Prenons par exemple le domaine de la sécurité informatique. Le risque est de se retrouver au pied du mur avec un déficit en compétences pour parer aux enjeux majeurs de notre société tels que les cyberattaques qui touchent de nombreux domaines de notre vie quotidienne et de la société civile (banques, hôpitaux, État, etc.). Il est nécessaire d’attirer plus de jeunes, notamment plus de jeunes filles, dans ces filières scientifiques. Il faut donc promouvoir les mathématiques et l’informatique auprès du jeune public et présenter ces disciplines comme ayant de nombreux débouchés, particulièrement sur des métiers d’avenir.

Enfin, il nous semble important de convaincre les jeunes et la société que les mathématiques ont des applications extrêmement utiles et que la science informatique doit être enseignée dès le primaire.